Les forêts des Grisons résistent aux changements climatiques

Avec un climat plus chaud, les pins sylvestres et épicéas des fonds de vallées du canton des Grisons pourraient souffrir par moments de la sécheresse. À moyennes et hautes altitudes par contre, les forêts auraient tendance à mieux croître et bien se renouveler. C’est la conclusion à laquelle arrivent le Département des constructions, des transports et des forêts des Grisons et l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) à la suite du projet «La forêt des Grisons face aux changements climatiques».

L’augmentation des températures au cours des cinquante dernières années a été exceptionnelle dans le canton des Grisons comme dans le monde entier. Dans les Grisons, à basse altitude, le nombre annuel de jours où l’on observe une température maximale supérieure à 25 degrés a augmenté de 50 à 70 %, tandis que le nombre de jours de gel a diminué de 15 à 45 %. La température annuelle moyenne a augmenté de 2 à 2,5 degrés dans cette région au cours du siècle écoulé.

Étude des impacts sur la forêt

Dans son programme 2009-2012, le gouvernement du canton des Grisons s’est engagé à élaborer une base de connaissances relatives au réchauffement climatique sur son territoire. Le gouvernement a regroupé ses domaines d’activité sous le titre «Affronter activement les changements climatiques», avec le soutien du parlement des Grisons. En ce qui concerne les forêts, cela signifie, d’après Mario Cavigelli, Président du Gouvernement et chef du Département des forêts, «qu’il faudrait tout d’abord étudier plus précisément l’impact du climat, déjà plus chaud aujourd’hui, et les évolutions éventuelles au cours des décennies à venir.» C’est avec cet objectif que le projet «La forêt des Grisons face aux changements climatiques» a été lancé en 2009. Il est mené conjointement par le Département des constructions, des transports et des forêts (BVFD) des Grisons et par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). Ce sont les observations des nombreux pins sylvestres morts durant les années chaudes et sèches de 2003 à 2006 dans la vallée du Rhin à Coire, et les questions sur l’évolution ultérieure de cette essence dans des conditions semblables qui ont été à l’origine de ce projet.

Le WSL a tout d’abord étudié l’impact de la sécheresse sur la dynamique de croissance des arbres des forêts à plusieurs altitudes dans la vallée du Rhin à Coire et dans le Domleschg. «Les processus de dépérissement dans la vallée du Rhin semblent similaires à ceux que nous avions observés précédemment dans la vallée du Rhône valaisanne encore plus sèche, où nous avons constaté un rapport avec les changements climatiques», déclare Andreas Rigling, qui dirige avec Thomas Wohlgemuth les travaux de recherche dans la vallée du Rhin à Coire.

La forêt réagit différemment à haute et à basse altitude

Les recherches ont montré qu’à basse altitude, les pins sylvestres produisent des cernes très minces au cours des années sèches et forment des rameaux latéraux et terminaux courts. Aux endroits secs, de nombreux arbres sont morts. «Nous pensons que les périodes sèches comme celle d’il y a une dizaine d’années devraient être plus fréquentes à l’avenir. Ce seront surtout les pins sylvestres et les épicéas sur des sols mal approvisionnés en eau qui en souffriront et pourront même dépérir», explique Thomas Wohlgemuth.

D’après les prévisions scientifiques, l’augmentation de température d’ici la fin du siècle pourrait encore atteindre 4 degrés. Ses conséquences seront différentes suivant les altitudes. «À basse altitude, par exemple dans la vallée du Rhin à Coire, le pin sylvestre n’apparaîtra plus que dans des peuplements clairsemés ou mixtes. Les épicéas, sapins blancs et hêtres ne trouveront plus non plus de conditions optimales de croissance dans les emplacements chauds. Ce sont les essences de chênes locales qui devraient les remplacer», ajoute Thomas Wohlgemuth. Par contre, au-dessus de 1000 à 1200 m, la sécheresse n’aura plus de conséquences négatives. Les chercheurs y attendent une meilleure croissance des épicéas et des mélèzes qu’aujourd’hui, en raison de températures plus élevées et de précipitations qui devraient rester suffisantes.

Le rajeunissement de la forêt, porteur d’espoir

Les essais de germination du WSL montrent que même avec des températures plus élevées, les graines trouveront assez d’humidité la plupart des années pour germer à basse altitude. En conséquence, le rajeunissement de la forêt ne devrait pratiquement pas être affecté dans le futur, et cela devrait suffire pour maintenir la forêt. Pour Reto Hefti, chef du Service des forêts et des dangers naturels du canton des Grisons, ce résultat des recherches du WSL est réconfortant: «Tant que nous aurons assez de débuts d’été humides, je ne pense pas que les pins sylvestres disparaîtront des forêts de la vallée du Rhin à Coire». La situation ne devrait être critique que lors de périodes sèches, comme celle de 2003 à 2006, avec absence de précipitations en début d’été pendant plusieurs années. «Sur les sols qui sèchent rapidement, il ne devrait pratiquement plus germer de jeunes arbres. La situation pourrait se dégrader dans un climat plus chaud», complète Thomas Wohlgemuth.

Les expériences avec des graines de pins sylvestres et d’épicéas en provenance de régions plus ou moins sèches des cantons des Grisons et du Valais ainsi que de régions de montagne d’autres pays n’indiquent pas que les variétés étrangères de ces deux espèces puissent mieux s’adapter à un changement du climat. «Il n’y a pas urgence pour identifier des essences qui supportent mieux la chaleur et la sécheresse, tout en étant capables de résister au gel», conclut Reto Hefti.

Conserver la richesse des forêts des Grisons

«La présente étude améliore grandement notre base de décision pour le canton des Grisons», déclare Mario Cavigelli, Président du Gouvernement et chef du Département des forêts. Pour lui, il est évident que plus il existe d’essences et de variétés différentes dans une région, plus il est probable que la forêt dans son ensemble résistera aux variations climatiques à venir, et pourra continuer à jouer son rôle d’espace de détente, de protection contre les dangers naturels et de ressource en bois. «Ce sont surtout les forestiers et les propriétaires qui affrontent le défi consistant à miser sur une grande diversité d’essences dans le renouvellement des forêts», ajoute-t-il.

Lien vers la publication originale

Wohlgemuth, T., Rigling, A. (Red.) 2014: Kurz- und langfristige Auswirkungen des Klimas auf die Wälder im Churer Rheintal. Rapport final du projet La forêt des Grisons face aux changements climatiques. WSL Berichte numéro 17, 85 pages (en allemand).