Des chercheurs de Zurich et de Nouvelle-Zélande unissent leurs efforts pour reconstruire l’histoire mondiale du climat

Grâce à la spectaculaire découverte de 256 troncs d’arbres subfossiles* à Zurich en 2013, une équipe de l’Institut fédéral suisse de recherches WSL et de l’ETH de Zurich travaille actuellement à prolonger de 1500 voire 2000 ans la série de cernes, ou chronologie, disponible actuellement et remontant à 12 500 ans. Cette chronologie, dont les datations sont absolues, est utilisée dans le monde entier pour étalonner les datations par le carbone 14. Parallèlement, des chercheurs de Nouvelle-Zélande poursuivent le même objectif avec des bois subfossiles de kauri. Les deux équipes se sont rencontrées en août dernier au WSL pour joindre leurs efforts.

Deux ans après avoir été découverts à Zurich par des dendrologues de l’Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, les restes de la plus grande forêt de la fin de l’âge glaciaire jamais trouvée en Europe continuent à entretenir le suspense. En collaboration avec des partenaires de l’ETH de Zurich, du Centre allemand de recherches sur les géosciences à Postdam (GFZ), du Service de la construction de la ville de Zurich, de l’Université de Fribourg-en-Brisgau et de l’Université d’Heidelberg, les chercheurs du WSL visent à attribuer aux 256 troncs un âge exact grâce à l’étude de leurs cernes. La plus ancienne chronologie à datation absolue existante, basée principalement sur des chênes d’Allemagne et des pins de Suisse, remonte jusqu’à 12 500 ans BP**.

Les enjeux sont importants, car cette chronologie est la référence absolue indispensable pour permettre d’améliorer la précision des dates du carbone 14, largement utilisées en recherche archéologique et paléoenvironnementale (voir l’encadré sur l’étalonnage au carbone 14). Le bois subfossile de Zurich est porteur de grands espoirs, car les premières datations suggèrent qu’il pourrait prolonger la chronologie actuelle de 1500 voire 2000 ans jusqu’à la fin de l’époque glaciaire.

Une collaboration dans le monde entier

Les scientifiques du WSL ont trouvé un allié inattendu, et aussi éloigné de Zurich qu’on puisse l’imaginer. En Nouvelle-Zélande, d’anciens kauris (Agathis australis) ont été parfaitement préservés dans des tourbières au cours des 50 000 dernières années et au delà. En raison de son ancienneté, le kauri subfossile est une ressource scientifique unique dans le monde entier. Il a déjà été utilisé pour reconstruire les caractéristiques passées de la circulation océanique ou encore les changements climatiques locaux et globaux.

Ulf Büntgen, responsable du groupe Dendroécologie au WSL, et Jonathan Palmer, de l’Université de Nouvelle-Galles-du-Sud à Sydney espèrent avant tout augmenter notablement à la fois la chronologie des pins suisses et celle de leurs congénères néozélandais en effectuant des datations croisées, c’est-à-dire en les comparant les uns aux autres. Les chronologies résultantes vont alors être ajoutées à la chronologie existante de 12 500 ans, avec pour objectif ultime l’amélioration de la datation par le carbone 14.

Le carbone 14 est utilisé pour la première estimation de l’âge d’un matériau organique ancien, poterie, os ou papier, et pour le bois. Une fois que les dendrochronologues ont réussi à attribuer une date exacte à leurs échantillons, ils rendent la pareille aux experts du carbone 14 : un matériau dont l’âge est parfaitement connu pourra améliorer la précision de la datation par le carbone 14. Cet étalonnage par l’intermédiaire de la dendrochronologie constitue un effort collectif international, coordonné depuis plusieurs décennies par le groupe de travail IntCal.

L’exploitation de bois de kauri subfossile

La collaboration entre les équipes de Suisse et de Nouvelle-Zélande a justement été scellée pendant un atelier IntCal accueilli au début du mois par le WSL et l’ETH. Pour la première fois, des scientifiques des deux disciplines – dendrochronologie et carbone 14 – et des deux hémisphères ont discuté des chances et des défis communs.

Un autre résultat direct de cette réunion a été un courrier à Nathan Guy, Ministre du secteur primaire de Nouvelle-Zélande, exprimant les inquiétudes des participants sur les pertes de kauri subfossile, parfois âgé de plus de 225 000 ans. Alors que les troncs subfossiles de Zurich ont été précautionneusement sauvegardés et stockés pour les recherches scientifiques futures, des centaines de leurs homologues de l’hémisphère sud sont transportés vers l’Asie et l’Europe pour devenir des meubles, et sont perdus à jamais pour la science. Une collaboration plus étroite entre les scientifiques suisses et néozélandais, ainsi qu’une grande capacité de stockage dans le nouveau bunker du WSL devraient fournir une occasion unique de préserver les trésors culturels et naturels des anciennes forêts de kauris de Nouvelle-Zélande.

* subfossile = organisme des temps préhistoriques non pétrifié ou seulement partiellement pétrifié. Contrairement aux fossiles, il peut être daté au carbone 14. 

** BP = Before Present, caractérise une échelle de temps utilisée par les archéologues, les géologues et d’autres scientifiques pour dater les évènements du passé. Comme le présent évolue constamment, un accord international a permis de choisir le 1er janvier 1950, ou encore l’année calendaire 1950 comme point de référence de cette échelle. (Source : Wikipédia)

La datation par le carbone 14 (également appelée datation par le radiocarbone) est une méthode permettant de déterminer l’âge des matériaux organiques en utilisant les propriétés du carbone 14 (14C), un isotope radioactif naturel qui se forme en permanence dans l’atmosphère par l’interaction entre les rayons cosmiques et l’azote.

Pendant sa vie, un végétal ou un animal échange du carbone avec son environnement, de telle sorte que le carbone qu’il contient aura la même proportion de 14C que l’atmosphère. Après sa mort, il cesse d’assimiler du 14C, mais le 14C stocké dans les tissus biologiques à ce moment va continuer à se désintégrer, et sa proportion va décroître progressivement. Le 14C se désintégrant selon une loi connue, sa proportion peut être utilisée pour déterminer la période écoulée depuis qu’un échantillon donné a cessé les échanges de carbone.

Toutefois, ce principe de base est compliqué par des variations temporelles significatives du taux de 14C dans l’atmosphère. Les datations par le carbone 14 doivent donc être corrigées par des données fiables d’autres sources dont l’âge est connu – la plus précise d’entre elles étant les cernes annuels des arbres dont on connaît l’âge absolu. Ce processus de correction est appelé calibration du carbone 14. (D'après Wikipedia)

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